One thought on “TEST: avez-vous une bonne mémoire?

  1. Bonjour Fiamma,
    Très content de découvrir votre livre, que j’ai acheté. J’ai moi aussi une affection particulière pour Oliver Sacks et après son décès j’ai écrit un texte en hommage pour un partage avec quelques amis, le voici.
    Paul

    “Je souhaite partager avec vous un hommage personnel au neurologue Oliver Sacks, décédé le 30 août dernier.
    Je souhaite en effet évoquer la façon dont il a su nourrir, par son chemin de vie, sa capacité d’empathie et de soin auprès de personnes en besoin.
    *****
    Oliver Sacks est entré dans ma vie il y a quinze ans, lorsque j’ai lu l’ouvrage qui l’avait rendu célèbre, ‘L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau’, dans lequel il relate plusieurs cas de ses patients, atteints de troubles neurologiques cognitifs rares et spectaculaires; comme celui de cet homme ne pouvant faire la différence entre les personne et les objets, et donc confondant sa femme et son chapeau.

    Je fus happé par ce livre, car Sacks, au-delà de descriptions cliniques, cherche en permanence à mettre en lumière l’étincelle inextinguible d’humanité, la sensibilité, la pulsion de vie et d’émotions de chacun de ces êtres. Ainsi du cas de Clive, prostré parce qu’il perdait toute mémoire au-delà de quelques minutes en arrière, et qui soudain reprenait vie en exerçant son ancien métier de chef de chœur, car la musique ne s’oublie pas: dans l’instant, il revivait en plénitude, avant de s’éteindre à nouveau, une fois les notes envolées.

    Puissamment marqué par ces récits, je décidai de les mettre en scène, car à cette époque je suivais à Paris un cours du soir hebdomadaire de comédien-marionnettiste, avec le vieux maître Alain Recoing. Pour le spectacle de fin d’année, je revêtis donc une blouse blanche, et manipulant à vue du public, je personnifiais le Dr Sacks convoquant successivement trois cas cliniques de l’ouvrage, que je jouais avec ma marionnette à gaine.

    Bien des années plus tard, j’achetai dans un vide-grenier son ouvrage ‘Musicophilia’, dans lequel, là encore, à travers la description de troubles neurologiques affectant l’audition et la musicalité, Sacks faisait ouvrage d’humanité, dégageant de sa gangue de souffrances le diamant de l’âme humaine.

    Alors à la nouvelle de son décès cet été, je ressentis de la tristesse, comme lors de la perte d’une personne aimée et familière, bien que je ne le connus pas.

    Je me mis donc à lire des articles qu’il avait fait paraître, dans sa dernière année (1), ainsi que des articles biographiques (2), et j’écoutai une émission de radio qui lui était consacrée (3).

    J’en appris plus sur l’homme qu’il fut, son parcours, ses ruptures, ses douleurs et ses errances, et son obstination à creuser son sillon.

    Je découvris ainsi qu’il était lui-même atteint d’une incapacité à reconnaître les visages, à tel point qu’il pouvait ne pas reconnaître son reflet dans le miroir, ou prendre pour le sien le visage d’un autre homme barbu. Peut-on imaginer la vie d’un être qui ne reconnaît pas les visages de ses proches, de ses amis, de ses collègues?…

    Je découvris également que l’isolement marqua sa vie: blessé par le rejet de son homosexualité naissante par sa mère (‘Tu es une abomination. Je voudrais que tu ne sois jamais né.’) (1), il quitta son Angleterre natale pour les États-Unis, où il vécut; une fois devenu médecin, son inclination à conter ses cas cliniques dans ses livres l’isola également de ses confrères, qui réprouvaient cette façon de faire ou contestaient son approche scientifique. Il rencontra en revanche un immense succès auprès du public, ses ouvrages étant traduits en 25 langues (4).

    Comment ne pas voir dès lors, qu’en rendant justice à des êtres rejetés et incompris à cause de leur pathologie, il prenait aussi soin de ses propres blessures de rejet et d’isolement. Et qu’il puisait à la source de son propre cheminement, une partie de son empathie pour ces êtres, ainsi que la force de poursuivre malgré son isolement professionnel, voire privé (3).

    Au crépuscule de sa vie, dans un article paru au mois d’août, qu’il savait être le dernier, il confessait penser souvent à ce que signifie vivre une bonne vie, et atteindre la paix en soi-même (what is meant by living a good and worthwhile life — achieving a sense of peace within oneself) (1).

    Alors bien sûr , si je suis touché par l’évocation d’une personnalité, d’une vie, c’est que je suis concerné d’une certaine façon. Et en effet tout ceci résonne en moi.

    Car, comme tout un chacun, j’ai moi aussi reçu des blessures, et certaines ont des points communs avec celles de Sacks. Comme tout un chacun, j’ai moi aussi traversé des épreuves, dont une encore récente. Et en entendant le récit de la vie d’Oliver Sacks, je me dis que moi aussi je veux, quand viendra mon dernier jour, pouvoir dire, comme lui, que j’ai vécu une bonne vie.

    Alors il me vient, en entendant le récit de sa vie, que pour parvenir à cela, je n’ai pas d’autre chemin, comme lui, que d’accueillir mes blessures et mes épreuves avec humilité, d’assumer ma lumière avec détermination, et accomplir ma vocation, qui est de donner à voir comme l’être humain est précieux, et d’une valeur infinie.

    Rendre aujourd’hui cet hommage à Oliver Sacks, c’est faire un pas sur ce chemin.

    ******

    Si vous connaissiez déjà l’œuvre et la vie d’Oliver Sacks, je serai ravi de vos partages à son sujet.
    Mais si vous ne la connaissiez pas, et que ceci vous a donné envie d’en savoir plus, je serai comblé, car j’aurai passé le mot.

    (1) http://www.nytimes.com/2015/08/16/opinion/sunday/oliver-sacks-sabbath.html?_r=0
    (2) http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/02/02/oliver-sacks-le-voyant_1637632_3260.html
    (3) http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-oliver-sacks-3
    (4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliver_Sacks

    P. Fourtune

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